Depuis plusieurs années, la question de l’investissement dans les véhicules électriques s’est imposée au cœur du débat politique en France. Face aux défis climatiques, leur adoption est encouragée au détriment des véhicules thermiques, dans le cadre d’une stratégie de décarbonation des transports.


En 2024, on comptabilise 1 794 258 véhicules électriques et hybrides rechargeables en France, une progression impressionnante en quelques décennies, due en partie à la volonté de réduire les émissions de CO2 du secteur des transports. Cette ambition s’inscrit également dans la perspective européenne d’interdire la vente de voitures thermiques neuves d’ici 2035. En 2019, environ 25 % des émissions de CO2 dans l’UE provenaient des transports, dont 71,7 % issues du transport routier, selon l’Agence européenne pour l’environnement.

L’engagement des politiques dans l’électromobilité

La voiture électrique, avec une empreinte carbone environ cinq fois inférieure à celle d’un véhicule thermique, représente un investissement clé dans la lutte contre les émissions. Depuis 2017, le gouvernement français, en faisant des énergies renouvelables une priorité, a investi massivement dans cette "voiture de demain". Ce virage politique a nécessité le déploiement de bornes de recharge sur l’ensemble du territoire. L’État soutient cette transition avec l’installation de bornes de recharge grâce à des aides publiques (programme ADVENIR) et un crédit d’impôt pour les installations à domicile. Bien que le réseau privé de bornes soit dense, celles appartenant à la voirie publique représentent 20 % du parc total. Conformément à l’article 68 de la loi d’orientation des mobilités, l'implantation et le développement des infrastructures de recharge de véhicules électriques relève de l’initiative des collectivités ou établissements publics, avec les métropoles en première ligne.

Pourtant, des études soulignent de fortes disparités territoriales dans la répartition des bornes de recharge, souvent au détriment des zones rurales. Comment expliquer ces inégalités ? L’orientation politique des métropoles, qui influencent la mise en œuvre des infrastructures, pourrait-elle être un facteur explicatif ? Les villes à gouvernance écologiste ou orientée à gauche, engagées dans la transition écologique, comptent-elles davantage de bornes de recharge ? Ou bien l’écologie reste-t-elle un sujet politiquement neutre dans ce domaine ?

Nombre de bornes de recharge installées chaque année

https://public.flourish.studio/visualisation/19974215/

Le nombre de bornes de recharge installées en France connaît une augmentation continue depuis 2019. Alors qu’on en comptait 3 041 cette année-là, leur nombre est estimé à 77 879 cinq ans plus tard. Selon l'Avere, association professionnelle du secteur des transports, la moyenne nationale atteint désormais 206 points de recharge pour 100 000 habitants. Cette progression n’a rien d’étonnant et s’inscrit dans une politique de transition énergétique visant à encourager l'usage des véhicules électriques.

https://datawrapper.dwcdn.net/3Jok7/1/

Pour concentrer notre analyse sur l'échelle des métropoles, nous avons choisi d’examiner le nombre de stations de recharge pour véhicules électriques et hybrides dans des villes moyennes de 100 000 à 150 000 habitants en France. Afin d’avoir une idée plus précise de l’impact de l’orientation politique sur l'investissement dans ces véhicules, les villes de Nîmes, Perpignan et Rouen ont notamment été sélectionnées. La tendance politique de la métropole de Nîmes est marquée par une majorité de droite, avec Jean-Paul Fournier, maire de la ville, affilié aux Républicains et la métropole de Rouen dirigée par une majorité politique de gauche. Quant à la métropole de Perpignan, son président Robert Vila est membre des Républicains, tandis que le maire Louis Aliot est membre du Rassemblement national. En utilisant l'orientation politique des présidents de métropole comme référentiel plutôt que celle des maires, l’analyse se rapproche davantage de la réalité des décisions d'implantation des bornes, car ceux-ci sont généralement les initiateurs des projets de bornes.

Comme l’illustre le graphique, aucune corrélation directe n'apparaît entre le parti politique au pouvoir et le nombre de bornes de recharges présentes sur le territoire. Les différences d’implémentation entre les villes de droite et de gauche ne permettent pas de conclure à une influence partisane claire. En effet, bien que l’idée reçue veuille que l'électrification du parc automobile soit une priorité des élus de gauche, les chiffres ne confirment pas cette perception. Les villes avec le plus grand nombre de bornes concernent des communes dont la métropole est présidée par une personnalité politique de droite, à l’image de Nîmes, Metz et Limoges.

Pourquoi le gauche ne priorise pas la politique de déploiement des bornes de recharge ?

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les résultats précédents montrent que les métropoles de gauche ne mettent pas systématiquement l'accent sur l'investissement dans les véhicules électriques. Comment expliquer ce choix ?

Une première explication pourrait venir du profil des propriétaires de voitures eux-mêmes, et non uniquement des décisions politiques locales.

En effet, les initiatives d'investissement sont également motivées par la demande des habitants. Or, les données indiquent que les propriétaires de véhicules électriques sont majoritairement issus des classes les plus aisées. Ainsi, la localisation des bornes de recharge pourrait être davantage influencée par le profil socio-économique des résidents que par l'orientation politique des élus.

<aside> 💰

D’après le site du gouvernement, 1/4 des ménages les plus aisés choisissent un véhicule électrique, contre seulement un ménage sur dix parmi les plus précaires.

</aside>

D'autre part, les élus de gauche privilégient souvent d'autres moyens de transport qu'ils considèrent comme plus respectueux de l'environnement, davantage “verts”. Par exemple, les métropoles dirigées par des maires de gauche tendent à investir dans les transports en commun pour réduire la dépendance aux voitures individuelles en ville. Comme l’explique Manon Aubry, députée européenne affiliée à La France Insoumise :

"Il n'est pas souhaitable de remplacer toutes les voitures thermiques par des électriques. Nous devons développer des alternatives, comme un grand plan de transports en commun, notamment du rail."

évolution de l'utilisation de la voiture en france.png